Ce qui ne me tue pas devrait courir plus vite.
On me demande souvent comment je suis devenu Vigilae, surtout quand je prend mon deuxième poste au Mirage d'or. Je réponds souvent qu'on ne le devient pas. Qu'on l'est déjà avant de prendre les armes, et d'embarquer pour l'aventure. C'est une graine plantée en nous, dès l'enfance ou parfois l'adolescence, qui n'attends que de pousser dans les bonnes conditions : L'oppression, la guerre contre les monstres et le sang sont des terreaux sûres. Les rêves et les espoirs brisés aussi. Au final, qui s'intéresse à ses gens ? Cette couche de la population reprouvée, réprimés et délaissée depuis leur plus tendre enfance. Les pauvres, ceux qui n'ont pas un radis.
Mon histoire n'a rien d'un conte pour enfant, et pourtant, je suis fier de mon parcours et de ses cahots, de son chaos parfois. Souvent même. Les criminels sont des personnes comme vous et moi -surtout moi, qui ont décidé que la vie ne leur prendra plus rien, mais qu'eux, en revanche, glanerait tout ce qu'il y'a de beaux, de luxueux et de riches dans ce monde. On poursuit les hors-la-loi, on les juge, on les tue parfois. Mais qui juge ceux là ? Les magistrats corrompus, leur duplicité et leur vilénie m'écœure. Un certain code de l'honneur se doit d'être respecté par tout les marginaux, s'ils veulent pouvoir vivre ensemble. Une certaine entente, des liens se créant, des alliances se forment en rompant le pain, en buvant le nectar des rois des gueux, notre vin à nous... Notre ville peut elle en dire autant ? En faisant de nous des petites mains serviles, ils ont sonné l'hallali, et nous rendrons coup sur coup, un oeil pour un oeil, une dent pour une dent.
Mais ça, vous le saviez déjà, ou vous vous en doutiez, sinon vous ne seriez pas là, devant moi, voulant en savoir plus. J'ai du pedigree, et un sacré héritage de combattant à assurer. Mon père et son père avant lui étaient des guerriers. Deux générations qu'on se bastonne et qu'on prend tout les combats qui passent, tant qu'ils sont juteux. J'ai été elevé pour être une machine, un guerrier. J'ai été elevé dans le parfum capiteux du sang, du vin et de la fange. Ocre et rouge, or et carmin, tel son mes couleurs.
Jusqu'au jour ou l'on détruisit mon univers. Sans doute que quelqu'un avait dû jacter, probablement une discussion de bar ayant mal tournée, ou l'alcool fait autant de dégât qu'une lame affutée. On avait a peine pris nos marques dans notre nouvelle maison -on en changeait tous les six mois, qu'on fut attaquer. A l'époque, âgée d'a peine 13 ans, je ne pouvais rien faire. J'étais impuissant, incapable de reprendre le flambeau ; Pire, on m'écarta de mon monde, pour me refiler à un orphelinat de la ville ou l'arrestation avait lieu, dans la ville.
Je suis vite parti de cet enfer teinté de bonne volonté et de tendresse, pas habitué, devenant un gamin des rues, le roi des gueux, le prince en guenille. Tout les enfants qui ne voulaient pas obéir et rester sagement à leur place dans la société venait à ma rencontre, comme une pièce de métal avec un aimant.
Ma cour était composée d'autre enfants, d'autre rescapés de différents horizons, je les introduisit aux arts du combat, que je maîtrisais pour la plupart, depuis mes huit ans. Ca marchait, en échange de quelques tours, nous amassions les donations, tandis que d'autre faisaient les poches de spectateurs, et que d'autre faisaient le guet. Une machine bien huilée, une mécanique que nous répétions peut être un peu trop, toujours était il qu'un jour, notre nid douillet, dans un grenier abandonné ou l'on se réunissaient, certains retournant à leur petite vie dans les orphelinats, fut envahie par les représentants de l'ordre, et pendant que certain s'enfuyaient par tout les recoins, je retenais les autorités par ma gouaille et mes grands gestes désordonnés...
Il vaut mieux pas trop marcher sur les plates bandes de la pègre, même quand on est qu'un gamin en rébellion contre toutes formes d'autorités.
Je terminais la face contre terre et les mains dans le dos, direction le tribunal puis les travaux forcés près du mur ouest. Âgé de dix sept ans, on me jugea comme une adulte. Il fallait dire qu'on avait dû couter beaucoup d'argent au contribuable, depuis le temps que l'on essayait de nous attraper, et vu le nombre de Vigilae sur le dossier. J'acceptais mon sort avec beaucoup de dignité, mais je n'en menais pas large non plus ... Le Mur Ouest, était ce genre de trous à rat ou l'on laissait pourrir les criminels une grande partie de leur vie, s'ils ne mourraient pas avant.
Les gardiens en haut des miradors m'observaient tandis que l'on arrivait par la grande porte, dans une calèche spécialement conçue pour les gens comme nous. La seule petite fenêtre avait des barreaux, et les parois étaient "blindées" (en tout cas, le bois était extrêmement difficile à briser pour un être humain lambda). On ne nous déroula pas le tapis rouge, mais on eut le droit à une ovation à notre arrivée. Ca gueulait, ça tapait contre les morceaux de murs en décomposition des baraquements proche du mur, qui de sa fourchette, qui de son gobelet en métal ou même mains nues pour certains.
Nous furent ballotés jusqu'à notre "Cellule", après que l'on est pris tout nos objets de valeurs, nos lacets et nos ceintures. Comme si nous étions en prison -un mot auquel je n'osais donner forme réelle, nous n'avions pas le droit à grand chose.
Parce qu'en prison, le plus dur, c'est pas d'y entrer... C'est plus d'en sortir. Si tu t'aplatis, tu deviens le larbins des autres. Soit tu te rebiffe et ça part en pugilat. A force de devoir finir les mains dans le sang des autres détenu, ma peine s'allongea...
Et quand tu mesures deux mètres, oui, on te chercher tout le temps des noises. Et forcement quand tu restes le seul debout, c'est toi qui prend pour tout le monde niveau peine de prison. Une grande sévérité régnait dans le centre pénitentiaire, rapport au fait qu'on devait se comporter correctement. A chaque fois, je perdais des années et des années ...
Jusqu'au jour ou ils me placèrent avec l'Ancien.
Mon nouveau compagnon de cellule était un homme ... Remarquable. Le seul en qui j'aurais confiance toute la durée de mon emprisonnement... Pour lui la fin, permettait les moyens. L'important était le but, et non pas la façon d'arriver à son objectif. De toute façon, l'histoire était écrite par les vainqueurs, qu'est-ce que changeait le nom de celui qui avait fait preuve de courage pour arriver jusqu'à elle ?
Ma psyché évolua.
Plus calme, plus dangereuse ... Parfois les apparences sont trompeuses, et l'on croit toujours que ceux qui parlent le plus sont ceux qui en font le plus. Alors que le silence, pouvait tuer. Alors que la parole, pouvait tromper. Un système de tutorat venait d'être mis en place pour réinsérer les plus sérieux des détenus. Je laissais les autres en profiter un petit moment, car je ne voulais pas être l'instrument servile d'un homme qui s'ils pensaient si bon, et tellement meilleur que moi, qu'il pourrait m'inculquer des leçons et une méthode, un exemple.
Au bout d'un moment, lassé de ma vie à casser des morceaux de pierre, j'acceptais le deal. Je serais alloué à un architecte qui avait besoin de gros bras pour ses plans. Je tirais ma peine avec tranquillité quand ...
Un jour, l'on vint me voir, une visite "officielle" de la part d'un haut dignitaire de cette ville qui "m'accueillait". On me proposa de m'absoudre totalement de mes pêchés, en l'échange d'une prestation. Pas n'importe laquelle, puisque l'on me demandait de participer à la défense de la ville... Rien que ça ? J'avais eu sept ans derrière moi pour m'entrainer, pour composer mon numéro. J'avais conscience de n'être qu'un numéro de plus, un insecte en cage dorée, et pourtant, j'acceptais avec joie. Âgé alors de 27 ans, j'avais plus passé de temps en prison que dehors. La liberté me fit un choc. Pas un bon. De ceux qui vous changeaient un homme. Je décidais que peu importait ce qui se passait, jamais plus on ne me priverait de mes droits les plus fondamentaux, et surtout, que jamais plus je ne plierai l'échine comme je venais de le faire... Vous connaissez la suite, je gagnais ma place dans la société, et devint une vache sacrée, sur qui on ne pouvait plus tirer.
Je ne retournerais plus jamais en captivité, c'était ce que je m'étais promis, la première fois que j'étais sortis du tutorat de Galilé. Pas vivant, ni consciemment. Alors je décidais d'entrer le plus souvent en activité commerciale avec ceux là qui étaient des ennemis auparavants. Parfois, il faut savoir oublier. Parfois le pardon n'est pas divin, il est malin.
Des amitiés fortes se firent, des routes se dégagèrent devant moi. J'avais toute la vie, et tout le loisir de leur faire mal.