Lucidalia Hunters

La Science...

Ce serait réducteur de réduire ton existence à cela. Tu n'avais pas toujours été cette personne excentrique, obsédée par un seul domaine, ayant trouvé ta voie. La réalité était bien plus banales. Venant d'un milieu modeste, autant qu'il était possible de l'être dans une Cité aux denrées limitées, ton avenir n'était pas vraiment écrit à l'avance. Loin de là même.

Pour peu que tu t'en souvenais, tu aurais dû rejoindre le travail familial. Des forgerons, en somme au talent assez modeste, vivant de ça autant qu'ils le pouvaient. Tes frères avant toi s'étaient déjà engagés dans cette voie et tu aurais dû les suivre...

Mais voilà, en grandissant, il devenait évident que tu étais différente. L'effort physique ? Tu l’exécrais. Tu n'étais pas une tire au flanc, simplement une personne ne préférant pas s'épuiser dans la chaleur des fourneaux. Et puis, tu étais curieuse, beaucoup plus que les gens de ton âge. Tu étais du genre à avoir beaucoup trop de questions pour trop peu de réponses en retour.

Au fil des années, tu vins à t'instruire toi même. Que ce soit par la théorie ou la pratique.

Évidemment, même pendant tes années écoles, tu étais différente. Tu étais de ceux qui finiraient plus tard à révolutionner le monde par leur esprit différent. Du moins, c'était ce que tu prêtais à croire, tandis qu'en plus de ton savoir, tu cultivais un égo toujours plus imposant.

Ce ne fut cependant pas tes années les plus glorieuses. Simplement car à part quelques excentricités, tu n'étais pas bien différente de la plupart des ados qu'on allait jeter dans le véritable monde une fois l'âge atteint.

L'Académie ne fut pas bien mieux. Il devenait une évidence que tu allais t'engager au sein des Praecones. La volonté de faire le moins d'effort physique, cette lubie pour tout savoir et à défaut, pour se perdre en réflexion... Tu étais le profil parfait, de ce genre de personne dont on développait activement le côté dérangeant en espérant qu'un jour, il puisse se montrer utile.

Naturellement, ce fut la Corruption qui vint à t'accaparer toute ton obsession. Un domaine avec si peu de réponses, un domaine semblable à un nouveau monde encore inexploré. Certes, on pouvait tenter de lutter contre elle, mais c'était une guerre d'usure où l'humanité ne semblait pas avoir toutes les armes nécessaires pour pleinement lutter.

Pour parfaire tes connaissances théoriques, tu devins médecin corruptologue pendant quelques années dans une petite clinique d'un des bas quartiers de la Cité. Ce n'était pas le secteur le plus prestigieux, mais c'était un terrain parfaire pour assouvir tes pulsions de connaissance.

Voir la maladie déformer le corps et l'esprit des patients, la voir s'ancrer dans leurs chairs à tout jamais. Comment une chose pareille pouvait exister ? Secrètement, tu nourrissais cette joie, ce plaisir à voir à chaque fois la maladie provoquer moult ravage là où elle avait le malheurs de passer. Quand ce n'était pas des patients humains qui passaient sous tes yeux, c'était des monstres lors des quelques fois où tu avais été exigée en expédition.

Avec les années, tu te perdis en de nombreuses recherches, cherchant à casser le code de la maladie, à la comprendre, à la maîtriser. Une exigence de contrôle que tu n'arrivais pas à assouvir tant celle-ci te résistait.

Finalement, tu vins à quitter ton poste après l'avoir exercé pendant quelques années pour rejoindre une nouvelle l'Académie en tant que professeure. Ton esprit était brillant, et il devait être partagé avec les autres. Faire des recherches de son côté était une chose, mais à quoi bon si personne n'osaient les assimiler de leurs côtés.

En parallèle, on vint à te confier un petit laboratoire pour parfaire tes expériences. Ta dernière lubie ? L'effet de l'ingestion de chair corrompu sur le corps humain. La maladie ne semblait pas avoir de logique préconçu quant à sa manière de se propager. Eau contaminée, air vicié, flux corporels... Pourquoi celle-ci se propageait-elle si bien des animaux à l'homme mais moindrement entre l'homme et l'homme.

Et dans un monde où les denrées sont si rares, où la viande se fait moindre, que se passeraient-ils si la cité venait à démocratiser la consommation d'animaux corrompus ? Pourrait-on encadrer les effets ? Pourrait-on la rendre davantage consommable ? La corruption fini t'elle par disparaître une fois la bête morte ? Si oui après combien de temps ?

Évidemment, ces questions étaient moralement douteuses. Personne ne voulait si confronter si ce n'était le Domunis qui vient à te fournir tout le budget nécessaire pour te perdre en expérience. Malheureusement budget ou pas, il te manquait des cas humains, et tu vins à toi même devenir ton propre cobaye pour faire avancer la science.

Il n'y avait aucun progrès sans risque.

Tu vis sans doute tes mutations comme une bénédiction. Tu ne pouvais pas être au plus proche des vérités qu'en t'observant toi-même. Avec le temps, tu persistas à déguster toi-même les quelques échantillons dont tu eus l'occasion de mettre la main dessus, faisant toujours un peu plus progresser tes recherches.

Et qu'elle ne fut pas ta surprise de rencontrer un autre homme, sans doute aussi extravagant que toi, partageant cette même passion cette même idée, de rendre le monde sauvage comestible.  Tu aurais espéré trouver un partenaire chez tes élèves, déclencher chez eux une obsession comme elle s'était déclenchée chez toi plusieurs années auparavant.

Mais tu saurais te satisfaire de ce bon vivant.