Lucidalia Hunters

Une modeste habitation située dans le Zentrum voit naître Circé, puis périr sa mère. Morte en couches d’une hémorragie sévère, elle n’a pas le temps de graver de souvenirs dans l’esprit de l’enfant. Militaire de carrière, son père reste absent, l’enfant est confiée à sa tante, Lucinda. Elle voit régulièrement son père, mais l’homme est bourru, taciturne et mal à l’aise. Il gère difficilement le décès de sa femme, il est occupé à l’extérieur et multiplie les missions. Pour oublier, pour panser ses plaies et s’en faire de nouvelles. Officier au brassard bleu, il n’abandonne jamais ses hommes.

Brodeuse de métier, Lucinda tient un petit atelier dans le quartier d’Osten. Puisque son père réside à la caserne à temps plein, Circé reste vivre avec sa tante. Celle-ci lui apprend les rudiments du métier, elle ne s’y intéresse que vaguement. Son esprit est rêveur, elle regarde au dehors et sait qu’elle ne se contentera pas d’une vie artisane. Peu d’amis l’entourent, elle ne se lie pas aux autres. Elle erre dans le quartier lorsque sa tante est occupée à l’atelier. Vers la réserve, les messores s’affairent, leur métier la fascine. Son regard émeraude s’émerveille devant les récoltes venues de l’extérieur.

Circé décide de suivre une formation pour s’instruire sur la faune et la flore. Lucinda perçoit cette envie d’un mauvais œil, elle sait que sa nièce se tourne de plus en plus vers l’exploration hors de la cité. Elle tente de la faire changer d’avis, mais son paternel ne s’y oppose pas.
Des années d’études, afin de se familiariser avec le bestiaire connu, d’étudier l’herboristerie, la botanique, de discuter avec les hommes et les femmes de la réserve. La jeune fille aux cheveux nacrés se montre passionnée et intéressée. Studieuse, elle reste concentrée sur son objectif.

Première sortie officielle et exploration dans la plaine de Dannah. Elle accompagne une mission ordonnée par la Guilde, Circé est chargée de récolter du Furutsu, un fruit aux vertus thérapeutiques. Après trois heures de marche et de récolte peu fructueuse, les fruits convoités se montrent au groupe. La jeune femme au corps gracile se délecte de cette découverte et cueille abondamment les baies. Tandis que la cueillette bat son plein, ils sont attaqués par un monstre. La scène se déroule très vite, Circé n’a pas le temps d’analyser la situation. Un terragon juvénile, elle apprendra plus tard sa dénomination. Féroce, rapide, impitoyable, la jeune fille est griffée au dos. Les guerriers qui accompagnent la mission redoublent d’efforts et parviennent à faire fuir la bête. La plaie est laide, elle abonde de sang. Elle sent les griffes acérées de la créature pénétrer en profondeur sa peau. Déchirée, sa tunique se gorge de carmin. Le monstre est éloigné, sa jeunesse affaiblit son hardiesse.
Circé est rapatriée en urgence à la cité, la douleur est insidieuse, fourbe. Elle sent des picotements sur sa peau, qui la rongent ensuite de l’intérieur. Elle ressent l’envie de s’arracher des lambeaux de derme, de mettre sa chair à vif pour trouver un moyen de sortir ce mal d’elle. Des opiacés lui sont administrés, pour l’apaiser. Arrivée à Lucidalia, elle est placée en quarantaine. Les effets de la mutation apparaissent, violents, brutaux. Des écailles argentées percent sa peau à divers endroits de son visage et de son corps. Le dessus de ses mains est recouvert, le bas de son cou également. Ses oreilles s’allongent, s’étirent. Le plus inconfortable, les pointes qui déchirent son front. Le liquide pourpre s’écoule, brouille sa vision, noie ses lèvres. Circé souffre, Circé agonise. Des excroissances osseuses sont sorties de son front, elle les touche. Ses mains écarlates l’effraient, elle sombre.

Sa première sortie aurait pu être la dernière, Circé accepte difficilement sa transformation physique. La douleur est atroce, les railleries sont présentes. Elle sent la déception dans le regard de son père, il se plonge dans le mutisme. Sa tante reste douce même si ses lèvres n’osent formuler un *je te l’avais bien dit*. Son esprit a changé également, elle n’est plus la jeune fille délicate et douce. Elle se sent incomprise, seule, agressive. Les personnes l’énervent rapidement, au mieux l’ennuient. Toutefois, Circé reprend son activité au sein de la branche récolte et exploration. Elle sort une nouvelle fois à l’extérieur, elle n’a pas peur. Elle avance, foule le sol sauvage de cette plaine inhospitalière. Un monstre est abattu, Circé s’approche de lui et enfonce sa dague dans son derme, transperce sa chair et fouille ses entrailles. Elle récupère les viscères, qu’elle jette plus loin. Les organes, rangés dans des bocaux. Ils serviront peut-être, ou pas. Elle s’en moque à vrai dire, elle ne possède plus la même passion pour la recherche. Mais elle ressent du soulagement, elle dépèce, découpe, vide et prend plaisir. Elle revoit son propre liquide pourpre sur ses mains, mais elle ne le craint plus. Elle est devenue une enfant de la Corruption.

Circé, jeune fille singulière, s’est toujours posée beaucoup de questions sur la vie et la mort, sur la beauté et la fragilité humaine. Curieuse de connaître les réactions sur un corps. Depuis les traces de Corruption, sa soif de savoir s’est transformée en pulsions intenses. Elle doit se retenir de passer à l’acte, mais imagine toute sorte de scénario macabre. Elle rêve d’ouvrir un corps, de fouiller son intérieur, d’en récolter les organes et les réassembler différemment. Pouvoir faire tout ce qu’elle désire à un individu, en faire son jouet vivant. Habile, elle procède ainsi à l’extérieur sur les monstres. Elle fascine autant qu’elle dérange, mais elle connaît son métier et sait ce qu’elle fait. Sa précision est un atout, même si sa folie tisse des toiles dans son esprit malade. Son arme de prédilection est une faux obsidienne, qu’elle utilise au cours de ses missions. Atypique, elle l’emploie pourtant avec une précision chirurgicale afin de trancher la peau et les muscles. Elle sectionne les membres des créatures avec soin, de manière nette et contrôlée. Elle termine le travail au couteau ou use de ce dernier pour les spécimens les plus petits. Le sang doit éclabousser, gicler et se répandre, signe d’un travail acharné. Si bien qu’elle a hérité du titre *La Dépeceuse*.

De fil en aiguille, elle se retrouve à traîner avec des individus louches, elle découvre les quartiers ouest, elle modèle son image. La Dépeceuse rencontre des déformés corrompus, comme elle. Ils sont étranges mais jouissent d’une liberté qu’elle ne connaît pas. Gueules cassées et vies brisées, des marginaux qui poursuivent leur rêve ou tombent oubliés dans le vice et la fièvre. L’un du groupe qu’elle fréquente, un dénommé Amaury. Vindicatif, tourmenté, implacable, il s’érige en meneur incontestable. Il vient d’une famille très pauvre, il a connu la misère et se noie toujours dedans. Il fait partie du culte de Mgehye et initie Circé. Cette dernière se sent attirée, elle a besoin de croire en quelque chose, de se rattacher au mysticisme et aux croyances. Le culte est mal vu, moqué ou détesté. Une tare de plus, encore un acte qui la sépare du monde, qui creuse un fossé entre elle et la réalité. Elle s’y jette aveuglément, elle psalmodie et sacrifie. Le sang, un réconfort dont elle s’abreuve qui marque sa peau et ses lèvres. Et la déviance comme refuge.

L’appel du commerce des ombres se fait sentir, elle a envie de repousser les limites, de valser dangereusement avec l’illégalité. Son père, un militaire honorable et droit, lui montre sa déception et la rejette depuis ses marques de Corruption. Il ne s’est pas vraiment occupé d’elle. Sa tante se montre douce, mais elle possède sa vie, son commerce. Et Circé ne semble pas correspondre à l’idée qu’elle se fait d’une parfaite jeune femme. Elles ne se comprennent pas, ne se supportent plus. Il lui faut trouver un nouvel abri, une nouvelle famille. La Pègre lui ouvre les bras, elle n’est pas trop regardante et son état d’esprit s’accommode plutôt bien aux activités criminelles. Sa discrétion est un atout, elle sait se fondre dans la masse, malgré son physique atypique. Des étoffes sombres et un peu plus larges, des pas feutrés en finesse et légèreté. Elle ne parle pas pour rien dire, elle sait écouter. Laisser traîner ses oreilles, tromper pour mieux se rapprocher des cercles ambitieux. Elle n’est pas une alliée fiable et stable, mais pour une couche et un bon repas, elle sait rendre service avec subtilité. Sa nouvelle adresse prend racine dans les zones malfamées du Westen, le quartier Umbralia. En virtuose du crime, Circé manie l’art du mensonge et œuvre pour le Dux Invidia.