On se rend compte de la valeur d'une chose, lorsqu'on l'a perdue...
La dernière-née, celle qui avait tout fait basculer, celle dont on ne devait pas véritablement s’occuper finalement. C’était ce qu’avait été Athénaïs, ce qu’elle avait incarné dans une famille sombrant doucement, mais sûrement dans ce qu’il y avait de plus sombre. Lors de son accouchement, sa mère était déjà affaiblie par une maladie. Elle n’en avait jamais connu le nom, mentionné sa mère lui étant interdit depuis qu’elle était en âge de parler. La raison ? Le décès de celle-ci, suite à un accouchement difficile et trop long. Le destin semblait avoir décidé de ne rien faciliter pour cette naissance, le bébé s’étant présenté en siège, plutôt que la tête la première. Effectuer des manipulations pour la remettre dans le bon sens avait épuisé sa mère et la faire sortir avait eu raison de ses dernières forces. Son père et son grand frère avaient donc assisté à ce décès, aux premières loges. Il avait fallu plusieurs jours à son père, pour enfin daigner à la prendre dans ses bras. Il était vindicatore, un véritable ours aussi grand que fort. Sa mère, quant à elle, n’avait été qu’une simple civile, une couturière de talent.
En apparence, ils avaient joué le rôle de la famille discrète, silencieuse, mais heureuse. Pourtant, dès les fenêtres et les portes closes, Athénaïs devenait presque une inconnue au sein de cette famille qui lui reprochait constamment le décès de sa mère. Comme si tout cela avait été de sa faute. Le seul qui lui portait un peu d’attention, c’était son frère, Zéphyr. Il n’était pas un mauvais garçon, du moins au début, il désirait seulement rendre son père fier et être aimé, comme tout un chacun. Heureusement, leur père travaillait beaucoup pour ramener de quoi manger pour eux, alors Athénaïs restait avec son frère, éduqué par lui et par les voisins qui venaient la garder lorsque son frère travaillait. Bien plus âgé qu’elle, de six ans son aîné, il suivait son propre chemin, vivait sa propre existence. Oh, la petite n’avait jamais été maltraitée physiquement, mais elle avait cruellement manqué d’attention et d’affection. Alors, presque inconsciemment, elle s’était mise à vouloir devenir parfaite, s’imaginant qu’en atteignant ce but, elle pourrait enfin recevoir l’amour paternel qu’elle désirait tant.
Mais c’était sans compter sur le caractère trop fougueux de son père, qui c’était empiré à la mort de sa femme. Il se mettait à prendre des risques, des risques parfois inconsidérés. Ceux qui le connaissaient ne cessaient de dire qu’il allait droit vers la mort, que ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne commette l’erreur de trop, qu’il ne prenne le risque de trop. Ce jour arriva rapidement, lorsque la jeune fille atteignit ses quatorze années. Elle s’était préparée à accueillir sa famille en préparant un bon repas, en ayant rangé et nettoyer la maison de fond en comble. Mais c'était des visages sombres qui s'étaient présentés, annonçant que son père était décédé suite à la morsure d’un monstre contaminé. La corruption s’était emparée de lui, au stade nulla tres et il n’avait pas survécu à la mutation suite à ses autres blessures. La nouvelle l’avait profondément choquée, remettant en question l’entièreté de sa vie. Lorsque son frère était entré, elle avait été l’oiseau de mauvaise augure, annonçant la triste nouvelle. C’était également ce jour-là, que Zéphyr était devenu un autre homme. Il s’était enfoncé dans les méandres des addictions, se noyant dans l’alcool, ruinant son avenir au sein des praecones en tant que médecin. Lui à qui on avait prédit un avenir merveilleux. La chute n’en était que plus dure.
Il se mit à jouer, à mise des sommes astronomiques, jusqu’à avoir des dettes auprès de la pègre. Des dettes toujours plus conséquentes qui ne cessaient de croître tant il était persuadé qu’il pourrait gagner et rembourser tout cela. Athénaïs n’avait été au courant de rien, demeurant dans l’ignorance la plus totale et continuant son parcours de vie comme chacun des citoyens. Elle s’était plongé dans les études, suivant la voie de son frère, désireuse d’au moins obtenir son attention et son affection. Elle était intelligente, vive d’esprit et elle aimait la chimie. Elle se mit à étudier pour devenir médecin à son tour, mais son attention fut attirée par la corruption et la manière de combattre ce virus. Elle désirait ardemment trouver des solutions, peut-être trouver un remède un jour. Elle entra à l’université de Lumina et c’est vers la fin de ses études, que la situation de son frère devint plus que préoccupante. Il n’était plus que l’ombre de lui-même, attirant bien trop l’attention sur lui. Le jour de sa remise de diplôme, devenant officiellement médecin au sein des praecones, elle apprit que Zéphyr avait été emprisonné pour divers crimes comme des agressions, des vols et d’autres infractions.
N’ayant plus aucun moyen de rembourser les dettes, des membres de la pègre vinrent la trouver, lui posant un ultimatum qu’elle ne put refuser. La liberté de son frère, contre ses services et connaissances en chimie. Athénaïs fut emportée à son tour dans ce monde sombre et tortueux, voyant des choses qu’elle aurait préféré ne jamais voir, réalisant des choses qu’elle aurait préféré ne jamais réaliser. Jusqu’à ce que la réalité la rattrape et avec elle, la maturité qui la poussa à se rendre compte d’où elle se trouvait. La rancœur prit place dans son cœur et elle se jure de ne plus jamais prouver quoi que ce soit à qui que ce soit. Elle fut embauchée au sein de la Crypte des ombres, comme chimiste, afin de créer des drogues et autres produits dopants. Au fil du temps, ce travail devint plus un boulot comme les autres, plutôt qu’une obligation. Après tout, cela payait et elle en profitait pour continuer ses recherches sur la corruption, tout en lui laissant assez de temps libre pour également aller étudier les choses sur le terrain.
À l'heure actuelle, sa vie est parfaitement réglée. Elle exerce à son compte comme médecin, soignant les blessures des habitants, aidant parfois au sein des expéditions, mais cela restant relativement rare. Cela lui permet d'évoluer tranquillement au sein de la cité, justifiant de manière tout à fait légale le fait qu'elle gagne bien sa vie. Elle tient un petit cabinet, dans lequel elle reçoit ses patients. Concernant la corruption, elle s'y intéresse toujours autant, mais pour son propre plaisir. Elle considère cela comme le plus gros mystère de sa vie et compte bien trouver des réponses, pour elle, mais également pour comprendre la raison du décès de son père. Cette liberté de mouvement, du fait de travailler à son compte, lui laisse toute l'opportunité de travailler comme chimiste pour la Pègre. Elle associe parfois les deux, restant la plus discrète possible quand c'est le cas.