Semper Fidelis.28 Tanquam Aegri Somnia
Astaria est née dans une famille qui autrefois était parmi les grandes familles impériales, achetant leur place dans les annales de l’empire au prix du sacrifices con-senties par une générations après après l’autre ; au point d’en faire une véritable tradi-tion familiale qui ne fit que se renforcer après la chute de l’empire qui pourtant sem-blait invincible. Pour cause la fillette vécut principalement avec sa grand-mère, la seule à rester dans Lucidalia pendant que le reste des Domitii s’en allait en dehors des murs pour s’assurer que le reste des habitants puissent survivre. Elle passait de longues heures devant la flamme au cœur du temple familial, priant pour que ses pa-rents lui reviennent. Cependant le jour de son dixième anniversaire Seul son grand-père revint, du moins en ville, parce qu’il ne fit pas son grand retour indemne.
Pour sa première visite à Attano, l’enfant toqua à la porte avant d’entrer puis elle bom-ba le torse pour mettre en avant les médailles qui s’y trouvaient ; des récompenses qui appartenaient à Aurelius, qui d’ordinaire étaient présentées sur son plastron d’arme, mais qui ne juraient pas sur le corselet bleu décoré réhaussé d’or de sa petite-fille. Pour compléter le tout elle avait emprunté l’épais manteau de marine de son grand-père qu’elle portait, comme lui, posé sur ses frêles épaules. Pour ce qui était du sabre de duel, si Astaria avait voulu le prendre, c’était sa grand-mère qui le lui avait stricte-ment défendu pour son plus grand regret.
Toutefois maintenant qu’elle était entrée dans la chambre d’hôpital son sourire satis-fait disparu en voyant les blessures graves subies par son aïeul. Auparavant Astaria avait voulu suivre ses traces et devenir un jour capitaine de son propre navire, elle aussi, quand bien même on lui avait dit que c’était irréalisable ; elle s’en moquait bien, quitte à ce qu’elle ait à le construire elle-même son bateau, elle le ferait ! Elle ne s’était quand même pas infligé la lecture du Tactica Navis Imperialis pour rien ! Et pour-tant ce fut ce jour-là qu’elle changea finalement d’avis. Ce fut face à l’horreur de ce que pouvait causer les monstres corrompus qui rôdaient au-delà des murs de la cité, qu’elle se rendit compte qu’être capitaine ne servirait peut-être pas à grand-chose. Qui plus était ça la présenta avec une vision bien trop concrète pour son jeune âge de ce qui avait pu arriver à ses parents qui, eux, n’étaient même pas rentrés.
Si son apparition fit sourire Aurelius, ça le fit même rire, chose qui se ferait d’une rareté notable, Astaria ne fut pas autorisée à rester dans la pièce longtemps ; ses grands-parents ayant beaucoup à se dire, visiblement. Toutefois ça n’empêcha pas la petite curieuse de revenir devant la porte de la chambre peu de temps après. L’idée de to-quer à la porte lui passa bien la tête mais préférant éviter une remontrance qu’elle n’oublierait sans doute pas de sitôt elle s’abstint et se contenta d’écouter aux portes comme la dernière des impolies. Ce qui finalement s’était peut-être révélé une mau-vaise idée. Bien qu’elle ne comprît pas tout, certains termes échappant à son vocabu-laire et puis c’était sans compter l’épaisseur de la porte ainsi que la voix basse de ses grands-parents qui n’aidaient en rien. Toutefois de ce qu’elle put entendre et com-prendre il était de leur avis que les parents d’Astaria auraient pu survivre si seulement un médecin, ou même n’importe qui avec quelques connaissances médicales, avait pu les rejoindre à temps.
41Adepta Medicæ
L’ambiance dans la demeure des Domitii avait singulièrement changé. Aurelius étant bien plus froid qu’auparavant depuis la mort de son fils et de sa belle-fille. Là où auparavant il tolérait les extravagances de ses petits-enfants, leurs jeux, leurs bêtises et leurs incartades. Il devint intransigeant. Le temps de jouer étaient terminé et main-tenant tout le monde se devait de se rendre utile à ce qui restait de l’empire, d’une fa-çon ou d’une autre. Pour Astaria la solution était toute trouvée : se lancer dans des études de médecine. Ou du moins poursuivre son éducation pour lui permettre de faire des études de médecine dans le futur. Quand bien même le patriarche des Domitii avait laissé de côté ses excentricités il ne disait rien quand Astaria rentrait dans son bureau, tirait une chaise à côté de lui et s’installait dedans pour lire. Il lui lançait un coup d’œil interrogateur mais au final ne disait rien, se remettant à l’étude et la rédac-tion du Liber de Mores Familiæ Domitiæ qui devait guider sa famille, et par exten-sion via leur service, tout Lucidalia, vers des jours meilleurs. Alors c’est sans réserve qu’elle se plongea dans ses études. Si les exigences de son grand-père étaient légions elle se devait de les satisfaire d’une façon ou d’une autre, lui qui ne se ménageait pas non plus.
De plus ce n’était pas en se laissant aller à la paresse qu’elle risquait d’atteindre ses objectifs de prévenir le plus de morts possible ; rien que repenser à toutes ses fois où elle voulait montrer quelque chose qu’elle avait vu à l’un de ses parents avant de se rappeler qu’elle ne pourrait plus jamais le faire ; toutes ces fois où la demeure des Do-mitii était terriblement vide, où un silence insoutenable reignait pour ne citer que ça, était largement suffisant pour trouver la motivation de repousser la fatigue et pour-suivre sa lecture, pour prendre une grande inspiration et aborder un problème sous un autre angle, pour réciter une nouvelle liste d’os, pour enfoncer à grands coups de ta-lons la signification des symptômes les plus courants dans son petit crâne.
53 Gloria virtutem tamquam umbra sequitur
Le grand problème d’avoir une pression aussi intense sur les épaules, dont As-taria était en grande partie la source il fallait bien se l’admettre, c’est que l’esprit ne peut pas suivre ad vitam sans séquelles. Pour éviter d’exploser en vol la jeune femme s’était alors décidée à trouver un exutoire, quel qu’il puisse être. Elle finit par le trouver, non pas sans aide, dans les jeux. Pas n’importe lesquels car après tout, des jeux quel-conques, n’avait pas vraiment aidé jusqu’à présent et il y avait fort à parier que ça ne risquait pas de changer maintenant. Non, pour lui libérer l’esprit, pour qu’elle puisse penser à autres choses il fallait que la stimulation soit suffisamment forte et pour ça il fallait des enjeux importants. Alors les jeux de hasard, et plus précisément les jeux d’argents, étaient tous trouvés. Le problème étant ses grandes difficultés à mentir ou cacher quoi que ce soit qui fut rapidement sa perte et très vite une quantité non négli-geable de dalais s’en allèrent de sa poche pour ne plus jamais y revenir.
Pendant une brève période la jeune femme pensa bien à arrêter, à trouver autre chose, mais comme un insecte elle ne pouvait pas s’éloigner de la lumière au bout du tunnel que représentait ce délicieux vice. Là fut bien le drame : si elle avait réussi à s’arrêter au moment où elle se rendit compte de la pente glissant sur laquelle elle venait de po-ser le pied, elle aurait pu s’en sortir sans trop de difficultés. Ç’aurait pris du temps, certes, mais ç’aurait été gérable. Or elle mit moins d’une saison avant de replonger. Avec un grand-père qui s’était durcis au fil des années, n’ayant plus qu’honneur et ver-tu à la bouche, lui demander de l’aide était bien vite devenu une impossibilité et puis ses sermons sur la bienséance et la convenance alors qu’elle s’adonnait sans ver-gogne aux divers jeux de hasard le rendait terrifiant ; si auparavant elle craignait ses colères désormais c’était une véritable terreur qui s’emparait de son cœur dès lors qu’elle pensait à sa réaction si jamais il l’apprenait. Malheureusement pour elle, sa nature trop confiante la poussa à en parler sans se préoccuper des oreilles que pou-vaient avoir les murs et cette information tomba entre les mains de la mauvaise per-sonne, commençant un second calvaire pour la jeune médecin.
Toutefois, du moins l’espérait-elle, ce n’était rien qui pourrait l’empêcher d’accomplir son devoir, de sauver des vies. Nombre de morts était évitables et repousser la mort d’une façon ou d’une autre était tout ce qu’elle cherchait. Que ce soit en trouvant une nouvelle façon de réduire la mortalité d’une opération, en découvrant de nouvelles mé-thodes de maintenir en vie des blessés, en travaillant avec des alchimistes pour utili-ser les propriétés des plantes et autres animaux afin d’empêcher la perte inutile de vies. Loin des métropoles très peuplés de l’empire, Lucidalia ne pouvait se permettre de perdre ses citoyens quand on pouvait faire autrement alors c’était sa façon de se rendre utile. C’était là sa façon de prouver à son grand-père qu’elle n’était pas un para-site qui profitait de la production des autres sans apporter sa pierre à l’édifice ; que ses études avaient été longues mais qu’enfin son travail acharné allait payer.
Bon ça c’était en espérant qu’elle puisse réussir à maintenir une façade de vertu comme elle avait fait jusqu’à présent ce qui n’était pas gagné au vu de sa dette qui ne faisait que croître.
Dernière édition par Astaria Domitia le Ven 18 Oct 2024 - 18:57, édité 1 fois